mercredi 26 juillet 2017

Combien vaut une collection de cartes de hockey des années 90 ?

 «J’ai hérité d’une très belle collection de cartes de hockey des années 90 et je me demande quelle est sa valeur », m’écrivent parfois des lecteurs. Malheureusement, je n’ai que de mauvaises nouvelles comme réponses. Pour comprendre, il faut expliquer une erreur majeure des fabricants de cartes de hockey dans les années 1990.

La grande débâcle
 À la fin des années 80, le marché des cartes sportives s’est soudainement emballé. Les ventes aux États-Unis sont passées de 35 millions $ à 1,5 milliard $ entre 1987 et 1991, selon Guy Benjamin du Soleil.

Les amateurs ont soudainement réalisé que les vieilles cartes qui traînaient au fond d’un placard pouvaient leur rapporter un joli pactole. Et le marché s’est emballé.

Les fabricants de cartes sportives ont flairé la bonne affaire. De nouvelles compagnies sont nées, d’anciennes ont repris du service et les séries de cartes se sont multipliées, provoquant une débâcle totale du marché.

Presser le citron à l’extrême
Sûrs de faire un placement béton, les amateurs se sont procurés des séries complètes à prix fort, mais l’avidité des fabricants a dépassé leur capacité de payer. Les fabricants produisaient  de plus en plus de séries en quantité industrielle, dépassant largement le point de saturation du marché. Ainsi, les collectionneurs retrouvaient les surplus de ces mêmes séries en solde quelques mois plus tard. Frustrés, ils sont devenus prudents.

La grenouille et le bœuf, version hockey
Le pire exemple de cette stratégie marketing abusive et sans lendemain a été celle de la compagnie Pro Set.

Pro Set détenait les droits de production de cartes de la NFL en 1989 et elle a étendu son empire au hockey en lançant son premier ensemble de cartes de la LNH en 1990-1991. L’entreprise ne manquait pas d’ambition et le produit était loin d’être vilain, mais la surproduction a provoqué la chute du fabricant. On retrouvait même des boîtes entières de Pro Set en solde sur les étals de Jean Coutu dix ans plus tard.

Au final, Pro Set n’aura produit de cartes de hockey que durant deux saisons de la LNH. En août 1992, la compagnie a fait faillite, laissant un très mauvais souvenirs aux collectionneurs malgré le fait qu’il s’agissait d’un des plus bel ensemble de cartes de hockey de l’époque (design simple, percutant et élégant et une excellente qualité de production).

Aujourd’hui, la valeur d’une série complète en parfaite qualité de ces cartes est de «zéro moins une barre». Seuls quelques amateurs novices s’aventurent à acheter ces ensembles pour quelques dollars, question de s’amuser. On les obtient pour moins que la valeur du cartable et des feuilles de plastique qui les contiennent.

Pro Set n’est pas la seule responsable de la débâcle des années 1990, mais elle y a largement contribué. Toutes les séries de cette décennie ont une valeur pratiquement nulle à cause de la cupidité des fabricants et de la LNH. Ce crash a donné une leçon à la ligue qui a réagi en sélectionnant minutieusement ses partenaires. Elle octroie présentement l’exclusivité des droits de production de cartes de hockey à Upper Deck et lui impose une quantité restreinte d’ensembles annuels (12 aux dernières nouvelles).

L’industrie entière a dû se réinventer. Les collectionneurs achètent maintenant un paquet de cartes comme s’ils jouaient à la loterie. Peu cherchent à compléter un ensemble. Les collectionneurs recherchent plutôt la pièce rare incluse dans une quantité infime de paquets; le bout de tissu, de bâton, de patin ou l’autographe d’une légende ou d’une recrue hautement cotée.

Plus le paquet est cher, plus les pièces rares promettent un trésor fabuleux. Le problème de ces cartes est que leur valeur tend rarement à monter, contrairement aux cartes vintage. Si un acheteur hurle de plaisir à découvrir une carte rare autographiée par une recrue en vogue, il y a de fortes chances qu’il ait tout intérêt à la revendre immédiatement. Pas certain qu’une carte autographiée de Nail Yakupov vaille autant maintenant qu’à sa saison recrue. Alors à quoi bon collectionner si on doit revendre l’objet immédiatement qu’on vient d’acquérir?


En bref, le crash de 1992 a tout changé. Et, malheureusement, vos cartes des années 1990 trouveront difficilement preneur, même à un prix dérisoire. Peu de marchands oseront même vous faire une offre.

Pour m'écrire: arivest@lapresse.ca